Stéphanie Gicquel est très connue mais vous ne la connaissez peut-être pas !
Après avoir travaillé pendant dix ans comme avocate spécialisée dans le droit des affaires (fusion acquisition des affaires M&A), cette jeune femme de 38 ans a décidé depuis sa plus jeune enfance que sa vie ne serait pas un long fleuve tranquille.
On pourrait célébrer ici l’ensemble de ses performances, dans le milieu du sport aventure [1] puis dans l’univers du sport de haut-niveau avec l’équipe de France.[2] Bien entendu, son parcours nous interpelle sur la performance sportive.
Elle a fait récemment l’objet d’une attention particulière de l’INSEP qui l’a suivi en 2019 sur le World Marathon Challenge, une compétition de 7 marathons en 7 jours consécutifs à travers le monde, soit 295 km en 25h42, et réalisé à cette occasion avec l’INSEP une étude sur la capacité d’adaptation du corps humain aux épreuves d’endurance en conditions extrêmes.
Elle écrit des livres, et intervient auprès de nombreuses entreprises admiratives et intriguées par son parcours [3] et sa démarche. Une voix posée, maitrisée, sereine, ses mots défilent dans un tempo de traversée tranquille du désert….
Mais nous nous ne laisserons pas entraîner ici à sa célébration. Ce serait manquer au respect du message qu’elle souhaite partager et à l’humilité dont elle fait preuve. D’un premier abord, son récit nous fascine. Invitation au voyage, à l’aventure, à la découverte de la magie du monde. Il faut avoir du courage pour abandonner les amarres, accepter de dériver dans l’inconnu.
Mais derrière ces aurores boréales, ces ciels de feu et ces ailleurs lointains, dans ces contrées de solitude et de silence, elle découvre la lumière de l’intime. Elle s’ouvre à sa faille pour se glisser dans un autre ailleurs souterrain, plus profond, aux racines de l’être, puisant ainsi les ressources et l’énergie qui lui permettent de vivre à la hauteur de son exigence.
Jaillissement de la vraie vie, elle nous en impose, nous entraîneurs et experts, tristes comptables de nos indicateurs, convaincus d’être dans le réel de la performance.
Que nous dit-elle ? Son parcours est diamétralement opposé à la plupart des sportifs de haut-niveau.
Inspirés par des champions qui les ont fait rêver, poussés ou encouragés par leurs parents, formés par des entraîneurs, encadrés par des experts, la plupart des sportifs vivent la quête de performance dans des espaces extrêmement normalisés où l’aventure, le désir, la vie elle-même ne serait qu’un accessoire, un luxe dérisoire. Sacrifice de leur vie pour la nation, la performance promise ne sera pas honorée, parce que toute performance se nourrit de la vie, appelle la vie. Sans désir, enthousiasme, la performance s’étiole, s’éteint, se réduit tristement à quelque chose qui existerait déjà et qu’il suffirait de décortiquer, d’analyser pour reproduire.
De nombreux sportifs, une fois leurs carrières achevées, s’engagent dans le sport aventure, en voilier au bout du monde, au piolet pour grimper les plus hauts sommets, dans la jungle pour partager de sublimes instants suspendus avec quelques faune ou flore en voie d’extinction ou s’abandonner au flow du surf au milieu du pacifique. Avec l’espoir dérisoire de rattraper le temps passé, de reprendre les commandes de sa propre embarcation. « La vie est courte, il faut vivre chaque instant » confie Stéphanie Gicquel. « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard », lui répond Louis Aragon.
La performance de haut-niveau devrait s’envisager comme une aventure, un chemin permanent à la découverte et la connaissance de soi. Si la performance est d’abord une histoire d’incarnation et de désir, une quête obsessionnelle à la découverte de soi, on saisit mieux alors pourquoi Stéphanie Gicquel prolonge l’aventure en tournant autour d’une piste pendant 24 heures.
[1] Elle fait partie de la poignée d’explorateurs à avoir foulé à la fois le pôle Nord et le pôle Sud géographiques. Sportive de l’extrême, elle réalise des expéditions sportives engagées. Première française à avoir couru un marathon autour du pôle Nord par -30 °C, elle a aussi traversé l’Antarctique via le pôle Sud sur 2.045 kilomètres en 74 jours par -50 °C, la plus longue expédition à ski réalisée à ce jour par une femme en Antarctique (Guinness World Records).
[2] Membre de l’équipe de France d’athlétisme (ultra-fond – 24h) et ultra-traileuse – elle a notamment remporté le Grand Raid du Morbihan (177km –PB 20h53). Stéphanie Gicquel est championne de France d’athlétisme et finaliste aux Championnats du Monde d’ultra-fond en octobre 2019 (24 heures – 240,6 km – 7ème mondiale – IA).
[3] Auteure des livres On naît tous aventurier (Ramsay Edigroup, mai 2018) et Expédition Across Antarctica (Vilo Edigroup, Préface Nicolas Vanier, Prix littéraire René Caillié 2016), elle intervient régulièrement en entreprise et dans les médias sur le changement, l’audace, l’adaptation, le dépassement de soi.