Cyclisme : Samuel Bellenoue – Entraîneur Equipe Pro COFIDIS.

MASTERCLASSES des entraîneurs
Le concept est simple, un entraîneur, un athlète, une personnalité s’entretient avec le département Performance 360° du Centre National d’Entraînement en Altitude à Font-Romeu.

A l’honneur, SAMUEL BELLENOUE, entraîneur de l’équipe professionnelle de cyclisme COFIDIS en repérage à Font-Romeu au début du printemps évoque son parcours, ses aspirations et sa vision de Performance.

SAMUEL BELLENOUE. Son nom chante comme une ritournelle, il y quelque chose de dansant, de rimbaldien ; un je ne sais quoi d’entrechat.
L’entraîneur est celui qui tente le dialogue avec l’impossible de la performance absolue, pour tracer et mesurer les chemins du possible. L’inquiétude, le doute, l’étonnement, l’observation, l’écoute. Ces attitudes supposent une certaine mise à distance des évènements et des choses pour mieux voir. La vérité fuyante glisse entre les mains de la raison. Une invitation à la prudence. L’entraîneur comme l’athlète sont condamnés à tendre des cordes dans l’espace pour avancer sur le chemin imprévisible et accidenté de la performance.

J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaines d’or d’étoile à étoile, et je danse.

Arthur Rimbaud – Les illuminations 1886
SAMUEL BELLENOUE – ENTRAINEUR PRO DE L’ÉQUIPE COFIDIS

L’entraîneur Samuel Bellenoue est d’une étoffe rare. Il prend son temps. Son parcours n’est pas une ligne droite mais une multitude de chemins de traverse. Il inscrit sa construction personnelle comme un voyage au long court, un processus de maturation nourri au grain des rencontres.
Ce qui est attirant chez le personnage, c’est sa façon d’être au temps. Une approche plutôt musicale car il ne faut surtout pas aller « plus vite que la musique ». La performance ne supporte pas le contretemps.

Ma famille était tournée vers l’art, la beauté du geste,…
Ma mère était prof de danse. Mon père était professeur de musique.
Ce qui m’a nourri dans le choix du vélo, de ce métier d’entraîneur, c’est la passion qu’avait mon père… Il m’en a toujours parlé avec beaucoup d’amour et je sentais quelque chose de magique dans ses yeux, et je pense que c’est aussi cela qui m’a attiré…

Samuel Bellenoue – ITW Mars 2020

C’est agréable de rencontrer des gens qui savent séjourner dans leur temps propre, et y demeurer. Ne pas céder aux sirènes de tout ce qui voudrait à chaque instant venir percuter leur présent, le couper, le faire bifurquer. Confiant dans son œil, confiant dans le temps, il me fait penser à ces écrivains qui pendant dix ans creusent leur sillon, travaillant à un livre que les autres ne verront pas avant longtemps. Je pense à ces chercheurs en mathématiques, en sciences fondamentales, à tous les obstinés du temps long.

Malgré un CV plutôt consistant, Samuel Bellenoue n’est pas attiré par les titres ronflants, ni par les canapés Chesterfield. Il se méfie du confort et ne rêve pas d’une statue de cire au panthéon des entraîneurs. On lui avait promis que la technologie, les modèles numériques le libéreraient de l’angoisse, du doute pour accéder à la vérité d’une performance qui existerait comme une pomme qu’il suffirait de cueillir. Et cette pomme – là vaudrait pour toutes les pommes. Avec le temps, il est devenu un expert de sa pomme. Sa forme, sa couleur, sa texture, son goût, n’ont plus de secrets pour lui. Il connaît les périodes de floraison de son arbre, les soins à prodiguer, les mesures à prendre en fonction de la chaleur, de l’humidité, du froid. En cultivant son jardin, il est devenu ainsi un grand expert mondial de sa pomme. Il a essayé de la reproduire, il n’y est jamais arrivé.

Les bases de données m’étouffent aujourd’hui !

Samuel Bellenoue ITW mars 2020

Avec l’expérience, il s’est rendu compte que cette représentation d’une performance qui existerait déjà et qu’il suffirait d’étudier et reproduire est une conception du monde erronée. S’il voit l’intérêt des bases de données pour une aide à la prise de décision de l’entraîneur, il est convaincu que les secrets de la performance se nichent ailleurs, dans l’espace de l’intime et de la rencontre avec l’autre.

Pas facile d’oser se souvenir, dès qu’il s’agit de remuer dans les malles du passé de trop personnelles affaires. C’est difficile, très difficile de se retourner sur sa vie …

Merci pour ce périlleux exercice.

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