La piste aux étoiles du CNEA fait peau neuve.

Vous m’avez tant donné, merci !

La piste du CNEA renaît de ses cendres et reprend des couleurs en ce bel été 2019.

Dès potron-minet, quelques rares courageux m’aident à sortir de la torpeur de ces nuits de silence étoilées. Parfois, un cerf aux larges ramures profite de l’absence de gardiens pour venir me saluer avant de filer en douce en évitant de se faire prendre par la patrouille.
Profitant de la rosée du matin, il me faut un peu de temps et de chaleur pour assouplir ma peau tannée par le soleil. Comme beaucoup d’entre vous, je ne suis pas vraiment du matin. Mon corps usé par plus de 30 ans de bons et loyaux services nécessite aujourd’hui plus d’attention.

Depuis ce temps, j’en ai connu des soigneurs et autres thérapeutes chargés de me préserver du froid, de la neige, de la pluie, pour accueillir ces milliers de sportifs venus du monde entier profiter de ce magnifique environnement. Hé oui, « toute rose est proie de l’hiver » me confiait DJALAL AL-DÎN RÛMI, un grand mystique Persan du XIIIème siècle.

Ma peau de bébé scarifiée par tant de générosité !

Lorsque la neige s’acharnait sur mon corps à nu, j’attendais avec impatience le ronronnement du tracteur pour me soulager de ce poids encombrant. Merci aux agents du CREPS qui tous les matins ont pris soin de moi en m’aidant à enlever ce manteau neigeux déposé pendant la nuit qui m’empêchait de respirer et ainsi m’offrir dans toute ma splendeur à tous ces athlètes excités. Mes barbiers m’attaquaient au tracteur à lame à neige avant de travailler les finitions à la fraise (rappelez-vous le dentiste !). Oui, je peux le dire, j’ai souffert en silence, mais j’ai été aimé, dorloté, chouchouté.
Il faut dire que depuis longtemps j’ai perdu ma peau de bébé et que mon enveloppe crevassée a souffert des intempéries et de mon âge canonique. Même sponsorisé par Gillette, Griezmann se coupe parfois en se rasant ! Moi c’est pareil. Alors je ne plaindrai pas de ces quelques escalopes arrachées parfois à ma peau meurtrie. C’est un peu comme une épilation à la cire.

L’hiver en général, j’avais droit à l’épilation version « maillot brésilien », les agents préférant débroussailler les bordures de mes deux couloirs intérieurs. De temps en temps, on m’offrait une épilation intégrale. Mon corps à nu faisait alors fantasmer tous les athlètes. Bien entendu, les Garçons comme les Filles. ! Sous l’impulsion historique des Études de Genre, « Gender Studies » inspirées notamment de Simone de Beauvoir et de son célèbre « On ne naît pas femme, on le devient », les choses ont bien changé, même sur les stades. Bon, je m’égare.

Sensibles à mes souffrances, les agents du CREPS me passaient un peu de pommade pour éviter que ma peau ne soit trop scarifiée. Nettoyage de peau, peeling, masque de nuit, j’ai tout essayé sans succès. Pour estomper mes rides et me donner un peu de volume et de luminosité, je voulais tenter le Botox. « Vu ton cas, c’est peine perdue ! » se désolait le médecin du CREPS.
Heureusement que j’ai pu bénéficier d’une greffe de peau financée par l’Etat en 2004, pour mes deux couloirs 1 et 2, les plus mal-en-point.

Comme pour nous tous, ici, en montagne, l’hiver est la période la plus difficile. Les journées sont courtes, le temps plus capricieux. Heureusement que la joyeuse marmaille du Collège et Lycée Pierre de Coubertin venait me rendre visite et rompre la mélancolie qui s’emparait de moi. J’en ai entendu des blagues et des anecdotes sur les profs. On s’est bien marré, n’est-ce pas ? Mais vous me connaissez depuis longtemps, vous savez que je ne dirais rien. Et, puis il y avait également les étudiants de l’UFRSTAPS pleins de sève et de fougue qui s’entraînaient à booster leur cerveau.

Faut pas oublier, j’ai quand même séduit de beaux athlètes.

Collette Besson – Meeting 1972
L’antilope Paula Radcliffe (Record du monde du Marathon en 2002 )

Mon palmarès est éloquent. À commencer par la gracieuse Colette Besson (Or aux JO de Mexico sur 400m), l’antilope Paula Radcliffe (Record du monde du Marathon en 2002 ), ce grand Kudu de Mahiedine Mekhissi qui a  remporté pour la 5ème fois le titre Européen sur 3000 steeple 2018, le loup gris à la crinière de Yoann Kowal (Champion d’Europe du 3000 steeple 2016 et 4ème en 2018) aperçu récemment en Dordogne, 

Yoann KOWAL VIP pour l’anniversaire des 50 ans du CNEA
Ce magnifique chameau de Yoann Diniz

et ce magnifique chameau de Yohann Diniz (Record du monde des 50 km marche en 2014.) Il paraît que ce véritable vaisseau du désert est capable de parcourir 170 kilomètres d’une traite en pleine chaleur, et de recommencer le lendemain, de ne se nourrir que de 2 kilos d’herbe pendant 3 semaines et ne pas boire pendant une semaine. Et bien d’autres d’athlètes … que je ne pourrais tous citer ici, mais je les remercie.

Mais celui qui me ravissait le plus était cet élégant Impala de Mo Farah (4 titres de champions Olympiques et 6 fois Champion du monde sur 5000m et 10000 m) qui bondissait sur mon corps frémissant. Incroyable son attaque pleine plante et son griffé lors de ses accélérations fulgurantes. J’avais le sentiment qu’il me faisait des séances d’acupuncture sans jamais sentir les aiguilles se glisser sous ma peau.

Cet élégant Impala de Mo Farah

J’en ai connu des amants. Des timides qui me comptaient fleurette, gênés de me labourer le cuir, des fougueux vites essoufflés, des jeunes « aux matins triomphants » dont parlait Victor Hugo, des beaux merles pour lesquels rien n’est jamais assez bien pour eux, des présomptueux qui jetaient l’éponge avant la fin du combat… J’ai voyagé dans mon métier, j’ai connu des pieds grecs, des pieds égyptiens, des pieds romains, des pieds plats.
Chacun avait sa façon propre de me passer dessus. Je peux les reconnaître les yeux fermés. A l’amplitude et la fréquence de leurs foulées, à la durée de leurs appuis sur ma chair, au son de leurs chaussures, à leurs souffles… Et puis, je souhaitais aussi m’excuser auprès tous ceux qui se sont blessés au contact de ma peau endolorie et parfois scarifiée. Après tant d’années de générosité, j’attends ce lifting promis par la Région Occitanie avec impatience.

J’aurais bien profité pour me faire une couleur un peu plus à la mode. Je suis plutôt coquette. Le Bleu par exemple, un bleu profond, un bleu Klein, un bleu chaleureux aux couleurs du CNEA. Trop cher ! Les temps sont durs. Mais l’essentiel n’est pas dans l’apparence.

Merci à vous tous mes ami(e)s pour votre fidélité et rendez-vous au mois d’août 2019 pour de nouvelles aventures amoureuses et une longue lune de miel.

Francis Distinguin

Quitter la version mobile